8 février 2017
Dans la ville
L’Amérique latine se promène à Paris
Avec des balades dans le quartier latin de Paris, Angela Ojeda, Péruvienne émigrée en France il y a dix ans, vise à changer les stéréotypes sur les Latino-américains avec des visites guidées qui permettent de découvrir les histoires d’immigrés sud-américains dans la capitale.
Texte Blanca Cruz Photos Blanca Cruz, Andrea Amaya Porras / Illustration : mapperie.com
Lorsque nous pensons à l’Amérique latine, nous nous faisons souvent l’idée que c’est un vaste continent dangereux où règnent drogue, corruption et terrorisme. Une perception alimentée notamment par une multitude de productions cinématographiques ou de séries comme « Narcos ».
Nous pouvons toutefois penser à des clichés plus positifs avec les beaux paysages, les lieux colorés ou la musique. Mais les pays formant l’Amérique latine possèdent pourtant une immense culture et histoire.
Angela Ojeda.
Comment changer les stéréotypes?
Rompre avec ces idées reçues, c’est le but du parcours Paris, ville latino-américaine mené depuis 2015 par Angela Ojeda, une Péruvienne de 32 ans arrivée à Paris en 2007. Avant cela, elle habitait à Cuzco et travaillait dans l’hôtel de ses parents. C’est là où elle a rencontré son futur mari, un Français d’origine cambodgienne avec lequel elle se mariera et s’installera en France : « On peut changer ces idées à travers l’art. Je pense qu’il faut montrer les deux cotés, mais surtout ce que les Latino-américains ont fait dans l’art, l’histoire et la culture. Et une bonne façon de le faire, c’est avec ces circuits », explique Angela.
Après avoir appris le français et effectué plusieurs jobs, toujours en relation avec le tourisme, Angela participe au projet de l’agence Bastina, en partenariat avec Migrantour. Un projet développé dans plusieurs villes européennes et qui a pour but d’y faire découvrir des réalités multiculturelles. Angela y participe depuis l’été 2015, ayant mené une dizaine de balades pour une participation totale d’une soixantaine de personnes.
« Quand nous parlons des artistes –qui ont fait de Paris un passage obligé–, beaucoup de visiteurs en découvrent, mais d'autres ont déjà lu Julio Cortázar ou Pablo Neruda, par exemple ».
Ses études en langues, pendant lesquelles elle obtient le diplôme en anglais, italien et quechua –langue native du Pérou, devenue officielle en 1975–, son expérience professionnelle et le multiculturalisme vécu au sein de sa famille –elle est la troisième de ses sœurs à se marier avec un étranger– font d’Angela une personne ouverte d’esprit et éloignée des stéréotypes.
Cette Péruvienne aux longs cheveux noirs, à la peau mate et aux yeux en amande, ressemble à l’image qu’ont les Français des Péruviens. Pourtant, elle ne joue pas de la « quena », l’instrument typique péruvien, ni ne porte de « poncho », projetant ainsi une autre image que lui permet de faire découvrir la réalité de son pays au-delà de ces clichés pendant les balades. « J’entends souvent ce genre des clichés à propos des Péruviens, mais il faut dire que les Français sont aussi curieux. Ils connaissent d’autres réalités, ils ont voyagé », raconte Angela.
Lieu de rencontre
En effet, une fois par mois, Angela reçoit environ cinq ou six Français, pour la plupart des Parisiens, que s’intéressent aux balades pour avoir déjà voyagé dans un pays du continent sud-américain, ou bien parce qu’ils ont fait des études en anthropologie ou sociologie. Pendant deux heures, Angela guide les visiteurs en mettant l’accent sur les témoignages et la proximité. Un parcours pour présenter la réalité des migrations venues d’Amérique latine.
La visite commence au bar La Lucha Libre, tenu par deux Français et rempli de souvenirs mexicains rassemblés après un voyage au pays aztèque. Elle se poursuit à El Palenque, l’un des plus anciens restaurants argentins de la capitale et libéré de tout cliché. C’est ici qu’Angela parle des premières vagues migratoires arrivées à Paris.
Dans les années 60 et 70, il y eut une première génération d’immigrés, des artistes et des intellectuels fuyant la dictature en Argentine et au Chili. Ensuite, durant les années 80 et 90, nous constatons une deuxième vague : des Equatoriens, Colombiens et Péruviens fuyant les crises économiques ou le terrorisme.
Le parcours continue au Collège de France, où Angela relie avec l’histoire des artistes et intellectuels qui ont aidé à fortifier les liens créés avec la France depuis le XIXe siècle, à travers des échanges culturels, artistiques et intellectuels : « Quand nous parlons des artistes –qui ont fait de Paris un passage obligé–, beaucoup de visiteurs en découvrent, mais d’autres ont déjà lu Julio Cortázar ou Pablo Neruda, par exemple », dit Angela. « Aussi, ils me demandent des recommandations ou que je leur fasse découvrir des écrivains péruviens. Il y a un vrai intérêt. »
Dans la seconde partie de la balade, nous rencontrons Ana, une Colombienne habitant en France depuis vingt ans. Avec le temps, elle a fini par devenir une « vraie » Française. Elle gère le restaurant Grains Nobles. Ici, elle fait goûter des vins français de petits producteurs, une vraie surprise pour les visiteurs. La balade finit dans le restaurant El Sur, où nous faisons la connaissance d’Oscar, un Chilien réfugié politique des années 70.
Et si la promenade se déroule en été, elle peut se prolonger jusqu’aux quais de Jussieu pour de la danse au rythme de la salsa et du tango.
Angela tient à ces balades qui lui font parler de son si cher Pérou. Cette expérience lui permet d’améliorer son français, mais aussi de rencontrer des gens et de présenter une autre image de son pays, au-delà du Machu Picchu.