The Bongo Hop.
25 mai 2017
Musique
The Bongo Hop
De la capitale de la salsa à la belle endormie, de la Satinga à la Garonne, Etienne Sevet a réussi à travers The Bongo Hop, un délicieux mélange de sonorités et d’expériences tropico-gauloises.
Texte Robert Flechas Photos Underdog Records
Bordelais de naissance, caleño de coeur, Etienne Sevet a su réunir les cultures colombienne et française dans The Bongo Hop, un projet musical qui est sorti le 10 novembre dernier sous le label Underdog Records. Après huit ans passés dans la ville de Cali, en Colombie, Etienne nous dévoile son premier projet musical, Satigarona Pt1, neuf morceaux de musique afro-caribéenne où nous trouvons bien des étincelles de calypso ainsi que des éclats de hip-hop et d’afrobeat. En collaboration notamment avec la chanteuse timbiqueña Nidia Góngora (Canalón de Timbiquí, Ondatropica, El combo barbaro), le rappeur colombien Maik Cel (Zalama Krew), Pao Barreto (Cumbia y Cardón) et le producteur multi-instrumentiste français Bruno « Patchworks » Hovart.
Robert Flechas : Qui es-tu, Etienne Sevet ?
Etienne Sevet : Je suis le compositeur – producteur – trompettiste derrière The Bong Hop. Mais je me suis mis à la musique sur le tard. Avant ça, j’ai bossé comme journaliste et réalisateur de documentaires, maître de conférence en sciences politiques en Colombie, et aussi récemment urbaniste, car j’ai un master d’urbanisme, qui est une passion pour moi. Sinon, je suis originaire de Bordeaux, j’ai pas mal bougé, j’ai longtemps vécu en Colombie, et je vis aujourd’hui à Lyon.
Etienne Sevet.
R.F : À quel moment t’es-tu dit, « je pars pour la Colombie », Cali particulièrement ? Quelle est ta première impression ?
E.S : J’ai pris la décision de m’installer en Colombie en 2005, mais cela faisait deux ans que j’y allais souvent pour le travail, en tant que journaliste. En fait, je devais couvrir l’Amérique du Sud dans son ensemble, donc je m’intéressais autant à ce qui se passait à Lima qu’à Buenos Aires, São Paulo, Panamá ou Santander de Quilichao !
Ma première impression de Cali était assez mitigée : pleine d’atouts, le climat, le quotidien, la nature tout autour, la vie sociale, la musique, etc. Et puis en même temps une espèce de chaos, l’idée que la modernité était arrivée là de manière un peu anarchique sur la ville et avait détruit ce qu’il y avait avant. Du coup, difficile de la comprendre : j’ai mis un certain temps avant de trouver le centre et de me rendre compte que finalement il n’y en avait pas vraiment. Ce qui me fait rester c’est donc la curiosité, le fait que j’avais déjà eu l’occasion avortée de partir vivre au Mexique, et que cette fois je voulais saisir cette occasion.
R.F : Les noms The Bongo Hop et Santigarona ont-ils une signification particulière ?
E.S : Je tire le nom The Bongo Hop des aventures d’un personnage de bande dessinée des années 80 que je lisais quand j’étais enfant. Un marin black qui s’appelait Keubla. Il allait « sur la piste du Bongo » et vivait plein d’aventures incroyables, c’était mon idole.
Satingarona, le titre de l’album, c’est le mélange des noms de deux fleuves : la Satinga en Colombie et la Garonne à Bordeaux, en France. La découverte de la Satinga, cet environnement de manglares, de plages et d’océan, ses estuaires immenses… disons que quand je suis rentré en France, lorsque j’allais vers l’estuaire de la Garonne près de Bordeaux, cela me rappelait un peu ces moments passés en Colombie, qui me manquait un peu, alors j’ai suivi cette trame imaginaire.
The Bongo Hop.
R.F : Avais-tu une idée précise du résultat final de l’album? Quel a été le processus d’écriture et de réalisation ?
E.S : Je cherchais un son un peu “ancien”, quelque chose qui ait un goût de sueur, de rhum, de moite, de boisé et d’électrique en même temps. Pour cela, c’était vraiment important de travailler avec le producteur Patchworks à Lyon.
La composition se passe en général le matin au réveil. Une ligne de basse avec un rythme, dans la douche souvent ! Tu enregistres ton idée dans ton téléphone. Après, tu étoffes cela en travaillant, en ajoutant des claviers, des guitares, en formalisant la cellule rythmique. Enfin, il y a les cuivres. Puis quand la maquette est prête je viens voir Patchworks et ensemble, à partir du moule, on fabrique l’objet final, poli, propre. On refait les basses, les guitares, les claviers, les rythmes, à l’identique mais mieux et puis, sur place il y a une amélioration : on enlève telle note, on rajoute tel élément pour faire évoluer l’idée sans la dénaturer.
R.F : On connaît la difficulté de produire un disque world, notamment en France. Dans ce cadre, Underdog Records a été un support essentiel ?
E.S : Non au contraire je crois que la France est le pays idéal, un des rares qu’il reste encore pour produire un disque world. En Allemagne c’est difficile, en Angleterre ça bouge mais c’est un peu la misère, et aux États-Unis tu es à l’écart des flux culturels mondiaux, et puis il manque un moteur comme le peuvent être des villes comme Paris ou Londres. C’est le premier marché pour cette musique, et la world music qui marche en France généralement marche après dans le reste du monde. C’est même à cause de cela que je suis revenu de Colombie : je savais qu’ici il y aurait tout l’écosystème nécessaire pour ce projet. Pour ce qui est du label, Underdog Records n’est pas vraiment un label world, mais je suis content car, justement, je préfère travailler avec un label qui bosse sur de la soul, du hip hop, de l’expérimentation, que de me retrouver dans un ghetto musical.
Etienne Sevet.
R.F : Un conseil pour ces artistes (français et colombiens) qui aimeraient ou qui sont en train de produire un album de la même couleur que Santigarona ?
E.S : Je n’ai pas vraiment de conseil à donner car je manque d’expérience… ce n’est que mon premier album ! Mais je dirais que de façon générale, il faut faire un travail de réflexion sur soi, en tant que compositeur. D’où est-ce qu’on vient, qui est-on, où veut-on aller, quelle histoire a-t-on à raconter ? Et puis, il faut faire confiance aux gens avec qui on collabore, ne pas chercher à tout écrire dans les moindres détails, tout seul. Ce type de musique, riche en termes de sons, de textures, exige cette démarche, se nourrit d’interactions avec, disons, une personne, qu’on choisit bien. Sinon, cela devient un groupe ou un collectif, et c’est encore une autre logique.