Francisco Cuñivo Abel, fondateur de la communauté Yanesha.
20 juin 2017
Dans la ville
Les Yanesha : peuple de la haute jungle péruvienne
Le peuple yanesha est l’une des 48 ethnies indigènes vivant actuellement au Pérou. Ils sont issus des Arawaks, famille linguistique issue des Caraïbes et de la forêt amazonienne. « Peuple natif » du continent sud-américain, « yanesha » signifie littéralement « nous, l’ensemble des êtres humains ». Rencontre au cœur du Pérou, aux confins des Andes et de la forêt amazonienne, avec une famille yanesha vivant de la culture du café.
Texte Théo Saffroy Photos El Grito Project Vidéos El Grito Project / Montage : Théo Saffroy
Peuple guerrier de la haute jungle
Avec ses 7 000 habitants, les yanesha représentent une des plus petites communautés indigènes du pays (3% de la communauté indigène), elle est répartie sur les provinces de Huanuco, Chanchamayo et Oxapampa.
Connu pour ses prouesses de guerre, sa résistance face aux colons et aux missions franciscaines et dominicaines à partir de 1638, le peuple yanesha conserve son autonomie durant la quasi-totalité de l’époque coloniale. Ce n’est qu’en 1880, fortement affaiblis par l’épidémie de la fièvre jaune, qu’ils n’eurent d’autre choix que de coopérer et partager leurs terres.
Dans les années 50, le Pérou décide d’offrir des concessions à des immigrés (notamment venus d’Allemagne et d’Europe de l’est) sans aucun accord préalable avec les habitants des territoires, ce qui entraina asservissement et délocalisation forcée.
Dans les années 70, 80 et 90 le Pérou est marqué par le terrorisme sanglant de la lutte entre le gouvernement pro-américain et le Sendero Luminoso communiste. Parmi les 70 000 victimes civiles, les peuples natifs sont particulièrement touchés et la nation yanesha est gravement atteinte.
Biosphère en péril
Les yanesha habitent dans la Réserve de la Biosphère Oxapampa-Ashaninka-Yanesha, localisée dans le département de Pasco, au centre du Pérou. Cette réserve représente le dernier écosystème resté quasiment intact dans la jungle centrale du pays. Son emplacement entre les plaines de forêts amazoniennes et les plateaux de forêts d’altitude lui confère une très grande diversité de faune et de flore s’étalant sur des hauteurs variant de 300 mètres à 4 500 mètres.
Bien qu’elle soit considérée comme un haut-lieu de la biodiversité, la région est soumise à une pression intense de groupes d’intérêt qui n’ont cessés de vouloir s’approprier leurs terres pour les exploiter. La déforestation tout comme la surpêche des poissons tropicaux menacent aujourd’hui les espèces locales.
Théo, à côté de Francisco et Paola.
Tanguy avec Rosa et Estela.
Si la Réserve d’Oxapampa est habitée depuis toujours par les communautés autochtones, les menaces la concernant n’ont été prises en compte qu’en 2010, avec le programme de l’UNESCO sur « l’Homme et la biosphère » qui met en avant la nécessité urgente de promouvoir la collaboration entre les autorités locales et les communautés en vue d’améliorer la qualité de vie de la population tout en préservant la biodiversité locale.
Producteur de café
En harmonie avec leur environnement naturel, les yanesha vivaient autrefois essentiellement de la pêche, de la chasse et des activités de cueillette. Aujourd’hui 90% de la population locale travaille dans l’industrie du café. Nous avons rencontré la communauté de Mayme (vallée de Villa Rica) dans la province d’Oxapampa, aux confins des Andes et de la forêt amazonienne. Ce café, cultivé à 1 200 mètres d’altitude, est issu de petites exploitations indépendantes suivant la manière traditionnelle.
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Récolté et trié à la main de mars à septembre, il est ensuite dépulpé avec un système artisanal et passe en processus de fermentation durant douze heures dans l’eau. Dix jours de séchage naturel sur de grandes essoreuses lui permettent alors d’être livré au torréfacteur.
Au-delà de la qualité du café, l’engagement écologique (composte naturel et polyculture à l’ombre) et la responsabilité sociale de cette nation depuis toujours liée à la nature ont transformé cette région en une zone de production aujourd’hui mondialement reconnue, à l’origine de 15% à 20% de la production caféière nationale.