12 mars 2019
Livres
Virus Tropical : voyage autobiographique de PowerPaola
Paola Gaviria, alias PowerPaola, naît et grandit en Équateur jusqu’à l’adolescence, avant de rejoindre la Colombie. Mais, c’est lorsqu’elle vit à Buenos Aires, en Argentine, qu’elle fonde le blog Histoires Réelles qui deviendra la bande-dessinée Virus Tropical, présentée lors de la Fête internationale du livre de Bogotá en 2014. L’artiste a publié d’autres livres comme La Madremonte, Por dentro, Diario de Powerpaola, et a remporté divers prix remis notamment par La Cité Internationale des Arts à Paris et la Firstdraft Gallery à Sydney.
Texte Chloé Garcia Dorrey Photos powerpaola
« Madame de Gaviria, cela doit être un virus tropical »
Édité en Argentine mais aussi en Espagne, en Colombie, au Chili, au Pérou et en France, Virus Tropical relate l’histoire d’une famille moyenne vivant dans un contexte équatorien et colombien des années 80-90.
C’est en 1976, à Quito, capitale de l’Équateur, que l’histoire de Paola commence. Voyant son ventre gonfler, sa mère se rend chez deux médecins qui lui expliquent que c’est impossible qu’elle soit enceinte. L’un d’eux lui révèle d’ailleurs qu’elle est atteinte d’un virus tropical (d’où le titre du livre). Finalement, c’est un troisième médecin qui lui confirmera sa grossesse.
Neuf mois plus tard, Chavela, la gouvernante de la maison, accompagne Madame de Gaviria, ses contractions annonçant l’arrivée du bébé. Paola naît dans une famille à majorité féminine : sa mère, ses deux sœurs Claudia et Patty, Chavela et son père.
La religion prend de l’importance dans la famille quand le père de Paola décide de devenir prêtre. Il amène ses filles à l’Église, une sortie hebdomadaire pour Patty et Paola qui tourne parfois à la rigolade. Finalement, la religion aura un impact chez Patty qui, lors de sa communion, fait la promesse à Dieu d’aimer pour toujours sa petite sœur, Paola. Dès lors, les deux sœurs deviennent très proches.
Paola grandit principalement entourée de femmes, une situation qu’elle dépeint avec humour. Lors d’une scène, Paola surgit au milieu d’une dispute entre sa mère et Claudia, alors en pleine crise d’adolescence. Elle exige d’autres figures masculines pour ses poupées Barbie : « maman, j’ai besoin d’autres Ken, j’ai dix Barbies pour un Ken ».
La famille de Gaviria quitte Quito pour Cali
Dans le chapitre « Dinero » (argent), Paola décrit la vie de sa famille de classe moyenne qui connaît des difficultés financières. Son père décide de retourner vivre à Medellin, sa ville natale en Colombie, laissant la mère de Paola seule et qui doit s’improviser voyante pour entretenir la famille. En outre, Chavela vole de l’argent pour s’offrir une chirurgie esthétique et elles se retrouvent donc toutes dans l’obligation de travailler assez tôt pour subvenir aux besoins du foyer.
Un jour, Claudia décide de rejoindre son père et sa grand-mère et suivre ses études à Medellin. Au bout d’un an, elle rencontre un homme avec qui elle part vivre sur les îles équatoriennes Galápagos et c’est à ce moment là qu’elle tombe enceinte. C’est ensuite au tour de Patty de partir pour aller faire ses études à Cali, au sud-ouest de la Colombie. Paola est bouleversée. Elle subit en plus les mauvaises blagues de ses camarades à l’école. Sa mère et elle décident donc de rejoindre Patty, à Cali.
La Colombie, l’histoire d’un nouveau départ
À son arrivée, Paola est en pleine adolescence. Avec l’aide de sa sœur Patty, elle commence à chercher un collège pour poursuivre sa scolarité. Elles sont toutes les deux accueillies par le directeur au style détendu : cigarette à la bouche, pieds sur la table, il annonce à Paola son acceptation au collège. D’après Patty, « tout le monde est accepté ici ».
Les premiers temps, l’intégration est difficile. Les nouveaux camarades de Paola se moquent de sa jupe longue étant donné que filles de Cali portent toutes une jupe courte. Ils s’amusent à lui dire des expressions colombiennes qu’elle ne connaît pas. Elle est d’ailleurs surnommée la « gringa » qui veut dire « l’étrangère ».
C’est aussi l’âge des premiers amours pour Paola. Quelque temps plus tard, elle rencontre Mario qui lors d’une soirée la conduit à Plaza Norte, l’un des quartiers les plus dangereux de Cali où rodent plusieurs cartels. On assiste d’ailleurs à une scène violente au cours de laquelle des coups de feux font fuir les jeunes des discothèques. Camouflés derrière une voiture, Paola et Mario s’embrassent et commencent ensemble une histoire.
« Il semblerait qu’en Europe, il serait obligatoire de parler exclusivement de pauvreté et de violence en tant que Colombien ou Équatorien. Moi je voulais m’offrir le luxe de raconter une vie simple et normale car même si la violence fait partie du quotidien, la vie continue malgré tout » reconnait Paola sur son œuvre.
Famille, amours et départs
En 1992, Claudia et son fils viennent vivre avec la famille, à Cali. Premiers boutons d’acné, piercing, changement de coiffure et premières ivresses à l’aguardiente, alcool très populaire en Colombie. Paola est alors en pleine adolescence.
Sa mère, elle, s’intègre difficilement et décide de repartir vivre entre Quito et Cali. Suite à une arnaque, la famille perd toutes ses économies et le père décide de repartir vivre à Medellin pour trouver un travail dans une radio catholique. La famille se dissolve petit à petit. Patty commence donc à travailler comme professeure de danse et Paola tente de vendre des brownies. Mais tout cela se révèle être un échec.
« Patty m’a dit que lorsque que je ferai l’amour pour la première fois, il faudra que je sois amoureuse et sûre de mon choix ». Les dessins révèlent Paola en train d’embrasser Carlos dans un lit. Mais, c’est avec Andrés qu’elle aura sa première expérience sexuelle et qu’elle fumera ses premiers joints.
À son retour d’un séjour au lac de Calima, près de Cali, Paola apprend que Patty est amoureuse d’un garçon équatorien et qu’elle part vivre avec lui à Quito. N’ayant pas la même complicité qu’avec Patty, Paola et Claudia se disputent souvent. Pour la protagoniste, il est donc temps de faire son sac et de prendre son envol, seule.
Virus Tropical a été adapté au cinéma par le réalisateur colombien, Santiago Caicedo. Le film est sorti en salle en mai 2017 en Colombie et a été présenté pour la première fois en France lors de la Sélection Officielle du Festival d’Annecy un mois plus tard.