'Le droit d’asile', Sebastião Salgado, Tanzanie, 1994.
1 avril 2019
Art
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme vue par Sebastião Salgado
En l’honneur des soixante-dix ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Sebastião Salgado dévoile une série de trente photographies prises à travers le monde: de l’Indonésie au Brésil, en passant par le Rwanda, la France et l’Afghanistan. Une exposition époustouflante, qui revisite avec brio différents articles du texte fondateur.
Texte Julie Semjen Photos musée de l'homme
L’exposition de Sebastião Salgado a quelque chose de cérémoniel. Dans le plus grand des silences, les visiteurs s’avancent et s’arrêtent devant chaque image. Le droit à la vie, la liberté de pensée, le droit d’asile…autant de principes connus et faciles à citer. Sur les murs de la salle, chaque définition est accompagnée d’une photo et, la simplicité des mots tranche nettement avec la réalité. Des camps de réfugiés aux salles de classes improvisées en pleine nature, le message de l’artiste est clair : il reste encore beaucoup à faire pour la garantie des droits universels.
“J’espère que le visiteur qui sort de l’une de mes expositions n’est plus la même personne que celle qui y est entrée” avoue Sebastião. Engagé, l’artiste met au cœur de son travail la nature humaine. De la dénonciation de l’indignité humaine, à la reforestation de la Forêt amazonienne, le photographe n’a cessé de rappeler, tout au long de ses quarante années de carrière, son engagement politique et civique. C’est avec sa femme Lélia, fidèle associée et commissaire de l’exposition, que Sebastião a sélectionné ses œuvres pour la série “En Droits!”.
Sebastião Salgado.
L’aventure des époux Salgado commence il y a près de cinquante ans en Angleterre, au milieu du lac Serpentine (Hyde Park). C’est à ce moment-là qu’ils décident d’ouvrir un nouveau chapitre de leur histoire : cap sur l’univers de la photographie. “Dans un monde d’image, l’impact visuel et la qualité est désormais plus à même de défendre les Droits de l’Homme qu’un long discours” explique Virginio Gaudenzi, responsable des expositions du Musée de l’Homme. Un objectif atteint à en voir le silence présent dans la salle, pourtant remplie, tant les images sont à couper le souffle.
Noires et blanches, les photos de Sebastião Salgado dévoilent la résilience de l’être humain face à des situations extrêmes. Force est de constater qu’il reste beaucoup à faire dans la lutte pour les droits humains à travers le monde. Les thèmes abordés par l’exposition sont difficiles : les migrations forcées, le travail à la chaîne, les violences faites aux femmes.
“Je ne suis pas photographe de la misère, je suis photographe de la dignité”, Sebastião Salgado
Centre de réhabilitation et de recherche Amar Jyoti fondé en 1981 pour s'occuper des enfants handicapés, Sebastião Salgado, Inde, 2001.
Dans l’action, les personnes photographiées se démarquent: un éclat de rire, un regard franc, elles sont au coeur de travail de l’artiste. “Ce qui m’a le plus frappé chez cet artiste, c’est la dignité avec laquelle il fait son travail.” concède André Delpuech, directeur du Musée de l’Homme. “Ce ne sont pas des images volées, parfois teintées d’une forme de condescendance ou de voyeurisme… Là, on sait qu’à chaque fois, il a échangé et participé, avec les gens qu’il photographie.”
“En Droits!” est une exposition en trois volets. En plus de la photographie, plusieurs formes d’arts ont été conviées pour commémorer l’anniversaire du texte fondateur. L’exposition “Histoire sur l’île de Tromelin” et “J’ai le droit d’avoir des droits !” à laquelle participent plusieurs artistes de street art, visent également à interpeller sur ces enjeux. “En Droits!” s’adresse tant aux connaisseurs qu’aux simples curieux, elle invite tout un chacun à réinterroger la signification et les enjeux de la protection des droits humains.
'Le droit à l’éducation', Sebastião Salgado, Nord du Kenya, 1993.