15 avril 2019
Art
Fiesta Gráfica : rencontre avec le graphisme latino-américain
Des affiches, de la vidéo, des livres, un air de Compay Segundo. La Fiesta Gráfica est une invitation à l’éveil des sens. L’exposition est un parcours à l’esthétique explosive, offrant au visiteur un aperçu de la créativité sud-américaine du Brésil au Mexique en passant par Cuba, le Pérou et l’Equateur. Regards sur l’affiche latino-américaine en compagnie de Michel Bouvet et du graphiste Théo Contestin.
Texte Julie Semjen Photos Maison de l'Amérique latine
Une fois passées les portes du centre culturel, l’exposition se déroule au sous-sol. On est immédiatement saisi par la vivacité de l’espace : bleu pour l’Argentine, jaune pour le Brésil, orange pour le Mexique, chaque couleur à été choisie pour les murs peinte pour l’occasion. Au total, neuf pays sont représentés.
Il y a des dessins, des travaux en sérigraphie et des collages…Force est de constater la richesse de l’affiche, un support artistique qui ne cesse de se réinventer. Dans un couloir de métro, devant une salle de théâtre, dans les mains d’un manifestant, c’est avant tout un outil de communication et d’expression.
Entrée de l’exposition, Maison de l’Amérique latine.
« L’affiche, c’est un tableau dans la rue. C’est l’art qui prend l’air », Michel Bouvet
Révélé au grand public en 1987 lorsque le Ministère de la Culture choisit ses travaux pour la Fête de la Musique et le bicentenaire de la Révolution, Michel Bouvet a voyagé et exposé aux quatre coins du monde. « Dans le graphisme latino-américain, il y a toujours un message ancré dans une réalité politique et sociale. Le graphisme n’est pas seulement un motif décoratif. C’est une expression intellectuelle et artistique » explique-t-il. « Cela engendre une création graphique très particulière par rapport à ce que l’on peut voir ailleurs ». La Fiesta Gráfica réunit ses confrères les plus proches, rencontrés au fil des années lors de ses nombreux voyages sur le continent.
Chaque histoire est différente. Avec ses grandes lettres capitales noires sur fond fluo, Natalia Iguiñiz Boggio reprend les codes de l’esthétique chicha développée au Pérou. Ses affiches interpellent le public sur des thèmes de société brûlants : la corruption politique, les inégalités de genres, la violence d’État. Dans « Cambio no cumbia » l’artiste joue sur les sonorités de la langue espagnole pour interpeller le public sur l’urgence de changement politique et social.
Natalia Iguiñiz Boggio, Cambio no cumbia, 2000.
« L’affiche est comme un poème », Pablo Iturralde
« C’est à partir des années 1990 que l’enseignement du graphisme s’est développé dans les universités à travers le continent », explique Michel Bouvet. « Avant cela, les artistes venaient majoritairement d’écoles où l’on enseignait l’architecture ». Difficile de savoir où donner de la tête tant les expressions artistiques sont nombreuses et vives. La colombienne Martha Granados présente une série d’affiches hautes en couleur qui illustrent son pays d’origine.
Marta Granados, Colombia es, 1997. - Giselle Monzon, Havana Fusion, 2016.
Côté Brésil, Kiko Farkas a longtemps travaillé pour l’Orchestre Symphonique et le Théâtre Municipal de Sao Paulo. Il étudie l’architecture, travaille dans le domaine de la presse musicale avant de se consacrer pleinement au graphisme et au design. Artiste prolifique, ses œuvres ont été primé à de nombreuses reprises au Brésil et à l’international.
Kiko Farkas, Aida, 2013.
Pour Théo Contestin “l’affiche est une claque visuelle”. La Fiesta Grafica entend “montrer des profils qui sortent de l’ordinaire, présenter des personnalités qui sortent des sentiers battus” explique le graphiste franco-argentin. La Fiesta Grafica est bien une explosion de couleurs et d’idées. C’est un voyage à travers des identités, des représentations venues d’ailleurs et qu’on sent pourtant si proches. « Je pense que ce qui nous réunit, c’est notre volonté de parler à tout le monde et de faire en sorte que nos images soient compréhensibles. C’est aussi, du moins je l’espère, notre dose d’humour et notre résistance face à un monde qui essaie de tout aplanir » conclut Michel Bouvet.
Celeste Prieto, Loteria de México. El Bandolon, 2017. - Théo Contestin, Hypocrata, 2017.