3 août 2016
Livres
Les rebelles avec des causes
La maison d’édition à Montreuil Le Temps des Cerises a publié le livre Latines, belles et rebelles du journaliste Colombien Hernando Calvo Ospina. L’auteur présente dans son ouvrage 33 histoires de femmes qui ont joué un rôle important dans les luttes d’émancipation en Amérique latine.
Texte Andrea Amaya Porras Photos Le Temps des Cerises, DR
Les protagonistes de l’histoire de la création de l’Amérique latine sont souvent des hommes à cheval venus de loin pour conquérir le nouveau monde, des hommes créateurs de sociétés et de gouvernements sous le pouvoir de l’Église catholique. Cependant, l’histoire oublie de parler d’autres personnages qui changèrent aussi les cours des faits : les femmes.
Latines, belles et rebelles est un recueil d’histoires qui commence à l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique en 1492 et va jusqu’à nos jours. Ce sont 33 histoires, choisies par le journaliste colombien Hernando Calvo Ospina, où le personnage principal est la femme. Elle est y présentée comme la protagoniste des insurrections contre les espagnols, de la libération des esclaves, des mouvements révolutionnaires, de la lutte contre les dictatures, tout comme sa participation politique en tant qu’espion, comme écrivaine, artiste, future présidente ou simplement dans son rôle de mère. Certaines de ces femmes préférèrent côtoyer les hommes et porter les armes plutôt que de préparer les repas et assurer les tâches ménagères.
"Les circonstances vécues par presque toutes ces femmes, la plupart du temps douloureuses du fait des injustices et de l’impunité, les menèrent à transformer leur douleur en lutte politique."
L’idée d’écrire ce livre est née dans une prison en Équateur en 1985. H. C. Ospina, faisait ses études en journalisme à Quito quand il fut arrêté par la police lors d’une opération commune des services de renseignements militaires colombiens et équatoriens. Détracteur du gouvernement colombien et sympathisant du mouvement de gauche de son pays, il resta détenu durant trois mois sans procès. C’est pendant ce temps d’isolement que H. C. Ospina commença à regarder en détail comment l’entrée des femmes en prison était tout un martyre : « Ces femmes étaient fortes car elles devaient subir presque un examen gynécologique fait par les gardiennes de la prison pour ensuite rendre visite à leurs familles ou époux détenus ».
La souffrance de ces femmes inspira H. C. Ospina qui a, à la suite de ce constat, débuté sa recherche à travers l’histoire de toutes les femmes latino-américaines, qu’elles aient été aussi fortes ou à l’origine de grands ou petits changements. L’écrivain colombien affirme que dans les livres d’Histoire les événements sont souvent racontés par des hommes : « La vraie histoire de l’équatorienne Manuela Sáenz fut changée par ces hommes car au lieu de dire qu’elle fut le grand amour de Simón Bolívar, ils la traitèrent de pute ».
Les 33 histoires de Latines, belles et rebelles ont été publiées chronologiquement, commençant par l’histoire de la princesse Anacaona, habitante de l’île Ayiti, territoire aujourd’hui partagé entre Haïti et la République Dominicaine. En 1504, Anacaona fut pendue car elle organisa la résistance contre la maltraitance des espagnols avec les indiens Taïnos.
Ainsi, beaucoup d’autres femmes aidèrent à organiser des insurrections pendant la colonisation espagnole, comme la combattante bolivienne Bartolina Sisa et l’esclave argentine descendante d’africains, Josefa Tenorio. Les histoires plus récentes dans l’œuvre de H. C. Ospina, qui est réfugié politique en France depuis 1986, mettent en valeur les femmes protagonistes d’actions révolutionnaires comme les activistes Lucy Parsons et Lolita Lebró, la guerrillera Monika Ertl, l’ex-guerrillera et actuelle présidente du Brésil Dilma Rousseff, ainsi que des écrivaines comme le Prix Nobel de Littérature, Gabriela Mistral et le Prix Nobel de la Paix, Rigoberta Menchú.
Les circonstances vécues par presque toutes ces femmes, la plupart du temps douloureuses du fait des injustices et de l’impunité, les menèrent à transformer leur douleur en lutte politique. Un exemple récent est celui d’un groupe de mères colombiennes qui ont perdu leurs enfants (certains handicapés) car ils furent recrutés pour de faux emplois par des militaires de l’armée colombienne, étant ensuite tués afin de donner au président de l’époque, Álvaro Uribe, des chiffres positifs dans la lutte contre-insurrectionnelle. En 2008, ce scandale éclata dans tout le pays sous le nom des « faux positifs ». Actuellement, ces mères continuent leur lutte en dénonçant les crimes dont leurs fils furent victimes : « De la mère-soumission, de la mère-abnégation, de la mère espace-privé, elles se déplacent vers un nouveau rôle : la mère qui investit la rue, la mère-lutte, la mère-force. »1