Andrea Amaya Porras : Comment le Festival Biarritz-Amérique Latine est né ?

Marc Bonduel : En 1978, le maire de Biarritz a souhaité faire un premier festival consacré au monde hispanophone (donc Espagne et Amérique latine) et lusophone (Portugal). Ce festival a duré treize ans, puis, en 1991, il y a eu un changement de maire aux élections et le nouveau maire, Monsieur Didier Borotra, a poursuivi ce festival sous une autre forme, en se consacrant exclusivement à l’Amérique latine.

A.A.P. Pourquoi le Festival a-t-il lieu à Biarritz ?

M.B. Le Pays Basque est un pays où il y a beaucoup de Latino-américains ; il y a surtout beaucoup de Basques qui ont émigré en Amérique latine au début du XXe siècle. En plus, les liens entre le Pays Basque français et l’Amérique latine sont permanents dans l’art, dans le sport, etc.

A.A.P. Quelles autres choses le public peut-il voir pendant le Festival ?

M.B. Il est possible de dire qu’il est un festival de « cinéma et culture ». Le cinéma est évidemment le cœur du projet, mais on parle aussi de littérature, on a des groupes de musique tous les jours, on a des expositions de photos, des rencontres universitaires avec l’Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine, etc. C’est vraiment un festival le plus large possible, qui essaie de représenter et d’aborder l’ensemble. Cependant, nous n’abordons jamais l’ensemble de la culture, mais beaucoup des aspects culturels de l’Amérique latine. Je crois que c’est ce qui fait son succès, d’autant plus qu’on présente tous ces aspects-là de manière accessible, on essaie de rendre la culture accessible.

Les pays d'Amérique Centrale sont mis à l'honneur dans la 25ème édition du Festival de cinéma Biarritz-Amérique Latine.

Les pays d'Amérique Centrale sont mis à l'honneur dans la 25ème édition du Festival de cinéma Biarritz-Amérique Latine.

A.A.P. Donc, votre travail est de faire découvrir la culture latino-américaine dans tous ses aspects ?

M.B. C’est l’idée. C’est un festival qui permet de découvrir des talents et qui montre aussi des films accessibles au public. L’idée c’est justement de faire découvrir au public français le fait que la culture latino-américaine est à la fois intéressante mais accessible, qu’on peut aller au Festival sans parler espagnol. On va à cet évènement pour découvrir, on ne va pas au Festival si on sait déjà tout, sinon il n’y a pas d’intérêt.

Ce qui m’a intéressé toute ma vie, c’est de faire découvrir aux gens, et de découvrir moi-même, l’intérêt de ces métiers. L’important c’est de parler aux gens qui ne connaissent pas, ou qui ne connaissent pas bien, ou qui sont allés en vacances en Amérique latine mais qui n’ont jamais vu un film.

La France est effectivement, à la fois le pays du cinéma et des salles de cinéma – il y a beaucoup de films de tous les pays du monde, et la France s’en félicite –, mais forcément, on a du mal à avoir l’accès en salles pour certains films, notamment latino-américains.

A.A.P. Pourquoi croyez-vous qu’existe cette difficulté ?

M.B. Le cinéma français a tout un système qui est extrêmement efficace, que soit pour produire les films, les distribuer ou les mettre en salles. Mais ces aides vont d’abord au cinéma français et au cinéma européen. A partir du moment où vous n’êtes pas dans la case « cinéma français ou européen », c’est beaucoup plus difficile. Cela veut dire qu’un distributeur de film français qui distribue un film français ou européen bénéficie toute suite d’aides. Quand c’est un film non-européen, qu’il soit japonais ou latino-américain, il n’y a pas du tout le même soutien. Le risque pour le distributeur – c’est un peu technique, mais important à comprendre – est donc plus important lorsqu’il est sur un film non européen et non français.

« La France produit 250 films par an ; le Mexique et l’Argentine entre 80 et 100 ; la Colombie et le Chili entre 30 et 40 ; le Pérou et l’Equateur entre 2 et 3. »

A.A.P. Quelle est la sélection des films qui participent au Festival ?

M.B. Il y a deux catégories : des films en compétition et des films hors compétition. Les derniers, ce sont des rétrospectives, des hommages ou des films qui concernent les invités que nous avons. Ce sont des films sur lesquels on travaille collectivement pour trouver une thématique, soit sur un pays, soit sur un genre de film. Nous faisons un focus sur un pays différent chaque année avec un choix de productions du pays mis à l’honneur. Le focus n’a pas pour but de choisir les films qui vont plaire au jury, le but c’est de dire : « Voilà ce qu’ils font en ce moment. »

Et pour ce qui est des films en compétition, il y a trois catégories : films de fiction long-métrages, court-métrages et une compétition de documentaires. Pour chaque catégorie, il y a trois comités de sélections différents.

A.A.P. Après onze ans en tant que délégué du Festival, quelle est votre opinion sur le cinéma latino-américain ?

M.B. C’est passionnant. Je travaille dans le cinéma depuis plus de trente ans, et je connaissais très peu le cinéma latino-américain. J’ai pris la direction de ce festival justement parce que je ne le connaissais pas.

Il y a dix ans le cinéma français a connu une accalmie créative, on avait l’impression qu’en France tous les sujets avaient étés abordés. Puis, j’ai commencé à découvrir plein de pays d’Amérique du sud et d’Amérique centrale. Je voyais plein de films que je n’avais pas « déjà vus ». Je le dis comme cela car j’ai travaillé longtemps dans le cinéma français et le cinéma américain et souvent on voyait des films que vous aviez l’impression d’avoir déjà vus ; ce n’était pas le même réalisateur, pas les mêmes comédiens mais la même histoire que vous aviez déjà vue cinquante fois. Tandis que dans ce festival, je voyais pleins de films que je n’avais pas déjà vus, qui racontaient des histoires qui se passaient là-bas et qui ne se passaient pas ailleurs. Cela a été absolument passionnant.

Marc Bonduel, délégué général du Festival Biarritz-Amérique Latine.

Marc Bonduel, délégué général du Festival Biarritz-Amérique Latine.

A.A.P. Donc, le cinéma latino-américain est plus créatif ?

M.B. D’une part, il est très créatif, il est encore jeune, en ce sens qu’il sort plein de nouveaux jeunes cinéastes qui font des films absolument formidables, qui les font avec passion, avec beaucoup d’idées et peu d’argent, et pour des festivals comme le nôtre, c’est passionnant. C’est vraiment ce qu’on trouve moins en France et en Europe actuellement, et qu’on a beaucoup là-bas.

Le cinéma latino-américain est très varié, très créatif et jusqu’à il y a neuf ou dix ans, il parlait beaucoup des dictatures, des problèmes sociaux. Cela permettait d’avoir un cinéma de découverte pour les européens. En réalité, on ne savait pas ce qui se passait en Amérique latine.

A.A.P. Quel est le prix pour les films qui sont en compétition ?

M.B. Nous ne donnons pas d’argent. Le prix est une statuette qui s’appelle l’Abrazo. Elle est l’équivalent d’un Lion d’Or ou d’une Palme d’Or. Mais, le plus important, c’est que nous faisons un gros travail de diffusion du film. D’une part, le film qui est en diffusion à Biarritz est découvert par un nombreux public, par les critiques de cinéma, par les médias, etc., donc c’est très important quand vous êtes un jeune réalisateur qui a fait son film parfois dans des conditions difficiles, avec peu d’argent. D’autre part, nous faisons un gros travail derrière pour aider le film à sortir en France. Soit il a déjà un distributeur, donc nous aidons le distributeur en faisant la promotion des gros fichiers Internet, Facebook, etc. Nous aidons aussi à la promotion du film quand il sort, sinon nous le présentons à des distributeurs s’il n’a pas de distributeurs en France.

L’Abrazo est le prix pour les films en compétition.

L’Abrazo est le prix pour les films en compétition.

A.A.P. Et ensuite ?

M.B. Nous avons ensuite un accord au niveau européen avec Europa Distribution qui est l’organisme qui rassemble les distributeurs indépendants européens ; et dans le cadre de ce partenariat, les films qui ont des prix, notamment l’Abrazo, circulent auprès de tous leurs adhérents en Europe, pour être sûr qu’ils l’ont vu et savoir s’ils veulent le distribuer dans leurs pays.

Il y a des festivals qui se battent pour donner mille euros, deux mille euros ou trois mille euros comme prix, mais ce qui est vraiment important pour le réalisateur c’est d’essayer que son film soit diffusé dans le plus de pays possible.

A.A.P. Ce que vous venez d’expliquer concerne les long-métrages. Est-ce pareil pour les court-métrages ?

M.B. Non. Pour les court-métrages nous avons un partenariat avec France Télévision, qui achète systématiquement au prix fort (au même prix qu’un court-métrage français) le court-métrage qui gagne à Biarritz.

Ce sont des prix d’achat qui pour un court-métrage latino sont énormes. France Télévision achète les films à 500 euros la minute ; cela veut dire que si vous avez un film qui fait vingt minutes, cela fait dix mille euros. Pour un court-métrage latino, trouver quelqu’un qui vous l’achète à dix mille euros, c’est évidemment formidable.

Je suis attaché à ce partenariat parce que pour un cinéaste qui a fait son court-métrage avec des amis, sans argent, le fait d’être acheté et diffusé sur France télévision, c’est très important. Alors que pour le long-métrage, le plus important c’est que le film soit distribué, si possible en France, si possible en Europe.

Le Casino Municipal de Biarritz accueille le Festival. Il est ouvert de 9h à 2h du matin.

Le Casino Municipal de Biarritz accueille le Festival. Il est ouvert de 9h à 2h du matin. -

Plus d'infos
Festival Biarritz-Amérique Latine

www.festivaldebiarritz.com

Newsletter

Inscrivez-vous pour recevoir les derniers articles


Top